La traversée de la Meije… un rêve se réalise

19, 20 et 21 juillet 2024

La majestueuse traversée de la Meije, avec le doigt de Dieu reconnaissable – © Max Fiorani

La traversée de la Meije…Quel alpiniste du coin n’en a pas déjà rêvé ?

Repérable de loin, à côté de son voisin le Râteau, elle s’élance du Grand Pic vers le Doigt de Dieu. Magnifique, fière, elle domine la vallée de la Romanche.

Notre guide Max demandait quelques mois plus tôt à Marjolaine, Marion RS, Marion B et Oriane à la fin du dernier weekend alpi-hivernal : 

‘Oh les filles, vous avez une idée pour votre sortie Grande Course de la deuxième année de votre cursus ? ’

La réponse était venue à l’unanimité, et presque automatiquement. Facile, ça fait 1 an déjà qu’elle trotte dans notre tête : ‘ La traversée de la Meije ce serait tellement génial !’. NB : Pour Oriane, c’est même depuis la journée des sélections qu’elle a annoncé qu’elle rêvait de faire cette course avec le GFHM.

Sera-t-on assez efficaces et expérimentées pour partir en cordées autonomes sur cette traversée ? Les conditions seront-elles au rendez-vous pour ce weekend ? Le temps sera-t-il stable ? Max, qui sera avec nous sur ce weekend sera-t-il aussi chaud que nous pour cette aventure ?

C’est avec toutes ces doutes que nous nous rapprochons de la deadline.

On questionne Max sur la faisabilité de notre projet qui nous rassure et nous encourage, : ‘S’il est bien préparé, carrément !’

Nous décidons de mettre toutes les chances de notre côté pour que ce projet aboutisse. 

Oriane nous rappelle l’importance d’une bonne acclimatation pour ne pas subir l’altitude. Ainsi, dix jours plus tôt, nous suivons une idée originale de Marion RS: Une course à 4000 à la Dent du Géant (cf. CR Dent du Géant), et celles qui peuvent enchainent les sorties alpi en trad, pour s’habituer aux réflexes de poser les coinceurs, enchainer les longueurs Bref, être au niveau de ce qui nous attend !

Les jours qui nous séparent du weekend passent et on commence à étudier le topo. On ‘’topote, comme une poésie’’, dit Oriane, imbattable sur la connaissance de l’itinéraire. Le Pas du Crapaud, le Campement des Demoiselles, le Cheval Rouge… mais il est méga long ce topo !! Ca sent l’itinéraire pomatoire à plein nez… en plus on va commencer de nuit. On s’apprivoise toutes le topo, au fil des jours, et on finit par le connaitre sur le bout des doigts. Marion B nous offre même une antisèche plastifiée. On est au taquet.

Et puis, quelques jours avant le top départ, les planètes s’alignent… tous les voyants sont au vert. Les conditions météo sont parfaites. Les places en refuge se débloquent à la dernière minute. C’est parti pour la traversée de la Meije.

J1 : Le refuge du Promontoire par les Enfetchores

Depuis la triste catastrophe des laves torrentielles qui se sont abattues sur la Bérarde en juin, l’option de monter par les Enfetchores est la  seule qui nous reste. C’est donc excitées comme des poux que nous nous retrouvons le vendredi matin à 7h30 pour la première benne de la station de la Grave, direction la gare du Peyrou d’Amont.

Nous faisons la connaissance d’Emilie Fourot, une membre du GFHM d’une ancienne promo, aujourd’hui aspirante guide. Elle nous accompagnera pendant ces trois jours de folie, avec Max comme tuteur.

Trop contentes de nos retrouvailles, nous papotons sur le sentier direction les Enfetchores. Peut-être un peu trop car nous loupons presque le raccourci pour le Clos des Sables. C’est un peu plus concentrées que nous entamons l’ascension vers la brèche de la Meije. Les conditions sont top, la rimaye se franchit facilement et nous sommes surprises de découvrir une fine langue de neige encore présente sur la face sud du col. La descente en neige face sud est plutôt expo. On la fait en corde courte et Max nous sécurise sur les passages plus risqués avec une fine corde. En nous faisant remarquer de ne pas hésiter à tirer des longueurs entre nous dans ce genre de terrain (probablement partie la plus expo du weekend). 

C’est autour de 14h30 que nous arrivons au refuge du Promontoire où Sandrine nous accueille avec une omelette géante et un bon plat de pâte ! On se régale. S’ensuit un moment de sieste repos pour recharger l’énergie à 100% pour le lendemain. On remange à 18h30 et faisant un dernier brief pour le lendemain. Ce sera un levé avant les autres cordées à 2h45, puis Max prendra le lead jusqu’au Glacier Carré. Nous serons pour la suite de nouveau en cordées autonomes. Allez Zou au dodo.

J2 : Le grand jour, La traversée de la Meije

3h passées…oups le réveil n’a pas sonné. Notre stratégie de la veille n’est plus optimale malgré notre efficacité de préparation matinale. C’est la tête dans le… seau que nous entamons notre folle course derrière Max qui connait l’itinéraire sur le bout des doigts. On peut dire que l’on court dans la montée, en tee-shirt, essoufflées, à 4 h du matin. On est ralenties uniquement par les autres cordées que l’on double dans les règles de l’art. Le Pas du Crapaud, le Campement des Demoiselles, le Couloir Duhamel, la Dalle de Castelnau… Ça file. En pleine nuit nous prenons bien conscience de l’aspect pomatoire de cette première partie surtout entre la Dalle de Castelnau et le Glacier Carré. Sans guide ça vaut vraiment le coup de monter repérer la veille pour éviter de perdre trop de temps dans la recherche d’itinéraire. 

Nous arrivons au Glacier Carré. Là, finis le ‘repos du cerveau’, l’expérience de se faire conduire par un guide est terminée, c’est à nous de prendre le relai.

Il fait beau, le regel est bon, donc c’est avec des conditions optimales que nous poursuivons notre ascension vers le Grand Pic. Chacune notre tour, on prend un réel plaisir à enchainer les longueurs dans cette face ouest sublime, à poser les protections dans ce rocher compact et somptueux. La vue à 360° du sommet se découvre alors avec un beau visuel sur la suite de la course.  On en profite pour faire une pause, embrasser la statue de la Vierge, la brandir comme la coupe du Monde, et relaisser passer des cordées plus rapides. 

C’est magnifique, on est aux anges et plutôt bien en forme. 

Sommet du Grand Pic – © Max Fiorani

S’ensuivent les trois rappels, direction la brèche Zsigmondy. Des pas de chats sont de rigueur pour ne pas faire tomber les caillasses sur les copains qui nous devancent. Autant dire que deux cordes pour six, dans trois rappels, c’est long !

On contourne la dent Zsigmondy avec l’aide du câble bien apparent à cette période (important car la côtation de la course est bien plus importante sans ce câble). Ça grince des dents en tapant les crampons dans la glace de la goulotte Zsigmondy, mais on est contentes d’être dans une course aussi variée. Grimpe, en dalle, en dièdre, sur du rocher magnifique, goulotte, arêtes, marche sur glacier… il y en a pour tous les goûts. 

A partir de la deuxième/troisième Dent, la fatigue commence à se faire sentir, mais on reste focus…c’est loin d’être fini. 

La pente en neige recouvrant les dalles de la quatrième Dent n’est quasi plus en condition. L’option rappel du sommet sera peut-être l’option à prendre si les chaleurs durent, pour les suivants. 

Nous arrivons enfin au Doigt de Dieu ! C’est juste magique. Nous sommes heureuses. 

La concentration commence à être dure à tenir après toutes ces heures, le rythme se ralentit. Max et Emilie n’hésitent pas à nous rappeler d’être toujours plus attentives, dans un milieu ou une petite erreur d’inattention peut avoir de lourdes conséquences. Nous entamons alors la descente en désescalade, rappels puis marche jusqu’au Refuge de l’Aigle. 

C’est autour de 17h45 que nous arrivons au refuge, exténuées mais euphoriques de notre course. Ce refuge de l’Aigle, Marion B rêvait de découvrir son architecture, son âme conservée de l’ancienne structure, depuis longtemps. Nous rencontrons Margaux, l’aide-gardienne de ce superbe refuge qui vaut à lui seul le détour. La soirée se déroule dans une ambiance très intimiste, calfeutrée, puisque le mauvais temps annoncé a fait descendre la plupart des alpinistes. Les quelques personnes qui sont avec nous ce soir ont aussi fait la traversée, et on trinque ensemble, en toute complicité, sans même se connaitre, à notre réussite collective, à notre entraide, à ceux qui nous ont récupéré un friend égaré derrière nous, à ceux qui arrivent 2 heures plus tard, avec le sourire jusqu’aux oreilles.  On vit cette soirée hors du temps, dans un calme absolu, apaisant. On débriefe notre course, on partage ensembles ce qu’on a ressenti, on s’écoute respectueusement, on lâche enfin  nos émotions, qu’on a contenues pour pouvoir tenir jusqu’au bout, on respire enfin, on réalise qu’on y est arrivé.  Bref, ambiance d’après-course très précieuse. 

Et puis l’instant d’après …ZZZ… plus personne.

J3 : La descente du refuge de l’aigle au pont des brebis

Comme prévu, dimanche c’est orage. Après une minutieuse analyse des modèles météo, un départ à 6h se décide pour profiter d’une petite accalmie. Et en effet c’est sous un temps sec que nous descendons le glacier du Tabuchet, laissant derrière nous la reine Meije. Ceci dit la météo ne nous donne pas envie de rester dans ce milieu si hostile en cas de mauvais temps. Nous arrivons aux voitures autour des de 9h et revenons à la grave pour une dernière pause p’tit dej/debrief du weekend.

On est toujours un peu suspendues, dans un autre monde, déconnectées et bluffées de la beauté de la course. On prend pleine conscience que malgré tous les progrès effectués pendant ces 1 ans 1/2 de GFHM, des courses de cette ampleur demande en plus d’une autonomie, de l’efficacité et de l’expérience. 

La Reine Meije nous rappelle une fois encore qu’il faut rester humble en montagne. Prendre large dans les difficultés et les longueurs de course. 

Dernier ptit – dej, parce qu’on n’arrive vraiment pas à se quitter- © Max Fiorani

C’est des étoiles pleins les yeux et riche en souvenirs que nous reprenons la route du retour. Merci pour ce weekend inoubliable.

Marjolaine, Marion B, Marion RS, Oriane

Annexe : Notre sortie C2C des Enfetchores et celle de la Traversée de la Meije

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